Le grenier

Publié le par Marie-Laetitia


Image empruntée au site du Musée agricole de Botans : http://museeagricole.botans.free.fr/images/arriere-grenier.jpg


Vaste panse tendue de poutre à poutre au-dessus de la maison, délaissé, il fleure le bois vieux et le papier moisi. Des bandes dessinées y ont été oubliées qui partent en lambeaux sous les doigts, les cartons d'un très ancien déménagement d'on ne sait plus où attendent toujours d'être rouverts et leur contenu réhabilité, c'est trop tard bien sûr les tasses ici ébréchées ont été remplacées depuis longtemps, les vieux cahiers du lycée gardent leurs mots doux et les notes de cours pour quand on sera morts et qu'il faudra tout jeter, mais ce ne sera pas nous, des lettres d'amour, coquines, cochonnes, pornographiques, se délitent lentement et se décalquent d'une page sur l'autre, lignes fondues dont on ne lit plus que des bribes, le rose aux joues... Pour passer d'un tas à l'autre il faut affronter les toiles d'araignée aux trois quarts vides qui ne s'aperçoivent qu'une fois le nez dessus si le faisceau de la lampe tombe sous le bon angle. Je frissonne et à grands moulinets balayant l'air devant moi je déloge les faucheux endormis et fais trotter très bas les tégénaires effrayées. Je ne sais plus pourquoi je suis montée, je me replie dans un spasme au contact d'une toile habitée que je secoue furieusement pour la décoller de ma main droite, je regarde le trou de lumière dans le plancher et pense à me précipiter mais la fuite éperdue est compliquée par l'angle impossible de l'échelle de meunier par laquelle je me suis hissée à travers le plafond du couloir dans cet huis inexploré jusqu'à lors ; je réprime un hoquet nauséeux lorsque mon pied écrase une mue gigantesque, coquille vide mais évocatrice, de dévoreuse à poils longs... Je respire profondément. L'odeur est plus complexe à pleines narines, musquée en deuxième approche, agressive. Des crottes de souris, plusieurs boulettes de déjection du grand-duc que l'on entend marcher certains soirs de long en large, pensif ou en chasse, irriguent de leurs parfums acides mais amples l'atmosphère confinée de l'antre. Je ne me sens pas chez moi ici et même les vestiges dérisoires de ma vie passée ne m'appartiennent plus guère, ancienne carapace, peau chue et oubliée que l'on recroiserait étonné sans s'y reconnaître, carnet intime d'adolescence dont les mots maladroits nous font sourire...

Publié dans Maison de rêve

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