La cuisine

Publié le par Hemipresente

La cuisine

Elle doit etre très grande, très claire, très propre, et sentir le pin, l'ail, la farine. Y trône sur le mur opposé à celui de la porte d'entrée, vitrée de verre cathédrale orange en vitrail, un immense plan de travail en inox qui a vécu déjà, surplombé par des meubles très hauts, si longs qu'ils rejoignent le plafond sans laisser place à la poussière grasse qui se déposerait dans l'interstice. Elle doit être très lumineuse. Je l'imagine baignée par de larges fenêtres qui se font face ; l'une donne, basse, sur un carré de verdure domestiquée, carottes choux et salades en rangées sages ; l'autre, haute, ne pourrait être enjambée de l'intérieur, ouverte elle respire au coeur d'une touffe odorante d'herbes que l'on arrose par en haut, à la fraîche, menthe poivrée, thym, basilic fragile. L'été on y appose une moustiquaire artisanale sur laquelle viennent se poser les insectes hébétés que la chaleur rabat vers ce puits plus sombre et frais ; on prend le temps alors, voyeur immense d'un zoo permanent qui n'a pas conscience d'être, puisque les visiteurs sont ceux qui restent cloîtrés, de contempler derrière le treillage fin le dard et les zébrures du frelon guerrier, immense, samouraï masqué de rouge, qui s'agace et semble pris de tremblements, on s'attendrit attirés par le zonzonnement incertain, épuisé, du bourdon aux cuisses épaissies de pollen orangé, trop lourdement chargé, qui prend une seconde de repos vertical dans le triangle d'ombre que dessine la pointe de la maison où le soleil déjà tourne, on s'émerveille bouche close devant le découpage des ailes surfines du machaon qui palpite, roule et déroule sa trompe infime sans nous voir jamais, puis reprend son vol, battu, plané, battu, plané ...

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M
Si tu savais combien de fois je suis revenue voir chez toi dans l'espoir qu'il y aurait de la lumière à la fenêtre... ravie que ça arrive enfin.
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